La culture comme levier dans les apprentissages

  • La culture comme levier

Description

Apprendre la langue française en s’initiant à sa culture peut stimuler la motivation de l’apprenant, lui montrer qu’il existe de multiples façons d’apprendre et de communiquer. Qu’il s’agisse de livres, de théâtre ou de danse, les CRIA vous proposent ici des illustrations des actions existantes, à lire ou à écouter.

 

Garder des traces pour mémoriser sans passer par l’écrit : le dessin personnel et les œuvres d’art

A l’occasion de la tournée occitane de Vicky Juanis et Fabien Masson pour leur Conférence gesticulée « Tous analphabètes… ou pas ! », présentée dans le Gard, la Lozère, l’Hérault et la Haute Garonne entre le 12 et le 19 octobre, nous avons interviewé Vicky Juanis, co-conceptrice de la didactique Comprendre et parler, didactique d’enseignement/apprentissage du français à l’oral, conçue notamment pour un public analphabète ne pouvant pas s’appuyer sur l’écrit pour entrer dans l’apprentissage du français.

Comment garder des traces de ce qui est abordé en cours si on ne peut pas écrire ?

Et comment mémoriser si on ne garde pas de traces ?

Confrontée à cette problématique au cours de ses nombreuses années de pratique en tant que formatrice en alphabétisation, Vicky Juanis en est petit à petit venue à élaborer d’autres stratégies, s’appuyant sur le dessin personnel et les reproductions d’œuvres d’art, afin d’ouvrir des fenêtres et de créer des ponts…

Ecouter l’entretien avec Vicky Juanis,
Conseillère référente pédagogique à Lire et Ecrire Bruxelles et formatrice de formateurs, co-conceptrice de la didactique Comprendre et parler, didactique d’enseignement/apprentissage du français à l’oral:

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Dimension des approches culturelles : le livre et les médiathèques comme levier

La lutte contre l’illettrisme et l’illectronisme est inscrite dans la loi Robert (Loi n°2021-1717 du 21 décembre 2021 relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique).
Cette récente loi acte que les bibliothèques doivent jouer un rôle essentiel pour lutter contre la précarité linguistique des publics : elles offrent des espaces de rencontres et de découvertes, proposent des collections adaptées d’une grande variété (Facile à Lire, langues étrangères, adaptations pour les dys, etc).

Les bibliothèques sont également des partenaires privilégiés pour construire des actions de médiation en lien avec les acteurs du champ social, éducatif et du champ de la formation sur leur territoire.

A la demande de la médiathèque du Grand Narbonne, une convention a été signée avec le CRIA (Centre Ressources Illettrisme et Alphabétisation) de l’Aude pour mettre en place un partenariat s’appuyant sur l’expertise du CREPA et répondant à plusieurs objectifs :

 Le CREPA propose d’apporter son expertise et un soutien technique, méthodologique et pédagogique aux services de la Médiathèque, dans le cadre de ses missions et de ses actions :
– Conseiller sur les fonds documentaires à mettre à destination des publics FLE, FLI ou en situation d’illettrisme (ex : Facile à lire)
– Accueillir les équipes de la Médiathèque au sein du centre de documentation pour consultation sur place et conseils,
– Aider à la mise en relation avec les acteurs locaux (tissus associatif et professionnel),
– Animer des séances de sensibilisation à destination des bibliothécaires à la Médiathèque du Grand Narbonne.

Le CREPA accompagne les services de la Médiathèque, à participer à une réflexion commune autour de projets de médiation à destination des publics FLE, FLI ou en situation d’illettrisme (animations, rencontres, ciné-débat, création de contenus adaptés autour du jeu de société…etc).

 Présentation du projet de réaménagement de la médiathèque :

Echanges autour du réaménagement physique des espaces pour plus de lisibilité pour l’accueil de publics allophones et en situation d’illettrisme (espace extérieur, espace d’accueil, espace Facile à Lire).
Février / Mars : Rencontre avec les responsables : Historique du projet – Expression des besoins – Visite de la médiathèque – Echanges sur les pistes de changement – Mise en place d’un programme d’actions

Accueil des équipes de la Médiathèque au sein du centre de documentation pour consultation sur place

→ Avril / Mai : Présentation sur les fonds documentaires du centre documentaire du CREPA – Echanges sur les fonds à mettre à destination des publics FLE, FLI ou en situation d’illettrisme

Aide à la mise en relation avec les acteurs locaux (tissus associatif et professionnel

→ Programmation de rencontre des acteurs de proximité avec les agents de la médiathèque
→ Accueil de groupes d’apprenants à la médiathèque

Animation de séances de sensibilisation à destination des bibliothécaires à la Médiathèque du Grand Narbonne

→ Octobre / Novembre : Sensibilisation à l’illettrisme Module 1 : Illettrisme, de qui et de quoi parle-t-on Plusieurs dates sont retenues afin d’accueillir tous les agents, sans gêner le fonctionnement de l’établissement.

Partager une culture commune, appréhender les différents publics, s’approprier les enjeux de la lutte contre l’illettrisme –Contenu :

  • Les différents publics en difficulté avec la langue française et les savoirs de base
  • Informations chiffrées sur l’illettrisme
  • Les mécanismes d’apprentissage et des difficultés liées aux situations d’illettrisme
  • Les causes et les conséquences de l’illettrisme
  • L’apport des médiathèques à la lutte contre l’illettrisme

Perspectives

Poursuivre le partenariat autour d’animations communes en direction des adultes participant à des ateliers de proximité (animations autour du livre, des jeux…)

 

 

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Faciliter l’exercice des droits culturels par l’accès aux médiathèques

Depuis 2017, pour donner suite à une préoccupation partagée de faire accéder les publics en apprentissage de la langue et/ou éloignés de la lecture aux médiathèques, Ceregard et la Médiathèque Marc-Bernard de Nîmes ont mis en place des ateliers. Ils ont ainsi donné naissance à une dynamique territoriale de collaboration entre le Centre de Ressources Illettrisme et Apprentissage de la langue du Gard et les Médiathèques et bibliothèques du département. L’implication de la Médiathèque du Carré d’Art dans cette démarche a rapidement abouti à la création d’un espace Facile à lire.

Dès lors, c’est tout un processus qui est mis en place avec et pour les structures intéressées

Processus de professionnalisation des acteurs des médiathèques qui se sentent souvent démunis face aux spécificités du public éloigné de la lecture :

  • Sensibilisation au repérage de la problématique en question (FLE, illettrisme, analphabétisme)
  • Sensibilisation à la démarche Facile à Lire (quels critères pour sélectionner les ouvrages ? Textes courts, peu de personnages, contexte contemporain, intrigue linéaire, utilisation de temps simples au long du récit etc.)
  • Présentation de collections phare telles que « La Traversée », « Petite Poche », « Mouchoirs de poche », « Monde en VF », « Simplissime »….

Ces actions partenariales ont vu leur légitimité renforcée en 2021 avec la publication de la Loi Robert, qui énonce que les Médiathèques sont tenues de « concevoir et mettre en œuvre des services, des activités et des outils associés à leurs missions ou à leurs collections. Elles en facilitent l’accès aux personnes en situation de handicap. Elles contribuent à la réduction de l’illettrisme et de l’illectronisme. Par leur action de médiation, elles garantissent la participation et la diversification des publics et l’exercice de leurs droits culturels. »

Pour que ces partenariats fonctionnent, il y a néanmoins besoin d’une véritable synergie

Le CRIA réalise donc un travail de maillage territorial afin de tisser des liens entre les Médiathèques et les associations de proximité. En ayant un regard externe et sur l’ensemble du territoire, Ceregard garantit le suivi des actions en dépit des changements pouvant survenir au sein des associations : les moments de médiation autour de ces espaces Facile à Lire et des ateliers sont en effet indispensables pour les faire vivre.

Un partenariat entre Ceregard et une médiathèque démarre toujours par un état des lieux afin d’ancrer la collaboration en fonction de la réalité de terrain que rencontrent les professionnels des médiathèques :

  • Qu’est-ce qui est le plus mobilisable pour eux pour accueillir ces publics ?
  • S’agit-il d’un espace qui serait dédié aux Facile à Lire ? Ou d’un atelier ? Et s’il s’agit d’un atelier, lequel ? De quelles ressources spécifiques disposent-ils ?
  • Quelle est la place du numérique au sein de cette structure et dans quelle mesure ces ressources sont-elles mobilisables ?
  • Si aucun espace n’est disponible, est-ce qu’une action hors-les-murs est envisageable ?

Tant de questionnements qui permettent d’affiner au mieux l’approche à mettre en place. En bibliothèque, le temps est un facteur incontournable pour faire évoluer les pratiques des professionnels face à ces publics qui ne sont nouveaux mais toujours aussi insaisissables. La collaboration entre les bibliothécaires et les acteurs du champ social est intéressante pour faire évoluer les représentations de chacun. Le tout est d’accompagner les acteurs (associations, médiathèques…) comme les publics dans une rencontre et un fonctionnement commun.

A ce jour, Ceregard travaille en partenariat avec dix médiathèques du département.

 

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Ces voies qui nous empruntent…

Dans « l’aller vers » la langue étrangère ou dans le ré-apprentissage des savoirs de base, d’autres « entrées » que fonctionnelles permettent aux publics en fragilité sur ces compétences de s’impliquer fortement jusqu’à parfois devenir plus rapidement acteur de leur propre devenir. Ces entrées se logent souvent dans des approches culturelles.

Elles jouent notamment sur les leviers « désir / plaisir », dénouent et renouent aussi avec le corps, la parole certes, mais aussi la voix et une certaine « chair » du signe. Elles explorent un espace / temps que les publics se réapproprient, creusent, tout en déjouant cette accélération permanente de la modernité que nous connaissons. Elles opposent souvent au sens de visite une visite des sens dont se nourrissent aussi les apprentissages qui font trace.

Au-delà de productions standards réclamées à juste titre pour répondre à certains besoins d’autonomie, ces approches culturelles, parfois esthétiques, autorisent ou réactivent des expressions singulières. Elles permettent plus aisément cette « assomption subjective » des individus dans leur propos et questionnements sur ce monde où ils évoluent et avec lequel ils veulent dialoguer en toute légitimité. Ces itinéraires s’inscrivent aussi la plupart du temps dans des dynamiques de projets ainsi que dans l’émulation qui peut naître des rencontres.

Pour aller vers ce « ravissement » opportun, où l’on peut avec bonheur se perdre pour mieux se retrouver (l’opportunité, étymologiquement, c’est aussi le « retour au port »), où les personnes vont pouvoir s’autoriser et agir dans la langue et les savoirs de base, où l’erreur n’est qu’un méandre du chemin, il faut créer des conditions propices. Une formatrice, un formateur, au-delà des contenus est aussi celle/celui qui aménage les conditions de formation et met en contact avec la ressource pour paraphraser le « Donner à voir » de Paul Eluard. Et on ne peut agir seul comme le souligne Claudie Tabet dans ses travaux.

Pour cela, il faut développer « le faire ensemble » des professionnels des champs éducatif, social et culturel. En partant des centres d’intérêt des « ré-apprenants » et en partageant leur connaissance, les lieux multiples d’art, du livre, de la scène ainsi que les actions qui y sont menées, deviennent aussi des espaces d’écoute, d’échanges et de ré-appropriation de cette culture qui nous inscrit aussi comme « sujet » dans cette société de connaissances (« l’écoute » est aussi ce cordage qui permet de guider la voile pour optimiser la marche du bateau par rapport au vent !) Certaines pédagogies dites parfois « du détour » peuvent alors s’avérer « centrales » dans les chemins d’apprentissage et proposer des « dérives » salutaires pour filer la métaphore nautique.

Dans le cadre de son programme de professionnalisation, le CRIA 34, a souhaité depuis plusieurs années témoigner de l’impact de ces approches culturelles sur les apprentissages :

  • En proposant dans les différentes rencontres d’acteurs des présentations de démarches et d’outils en lien avec cette thématique,
  • En créant des passerelles entre les acteurs,
  • En mobilisant les partenaires du livre et de la culture autour du rôle déterminant qu’ils peuvent jouer dans la levée des freins et des « empêchements » sur leurs territoires et
  • En localisant certains de ses rendez-vous dans des lieux de culture pour tous que sont, par exemple, les médiathèques.
  • En proposant des formations sur le rôle des médiathèques dans la lutte contre l’illettrisme (voir ici) , avec des sensibilisations des agents de ces équipements (Agde, bassin de Thau, Métropole de Montpellier voir ici) , l’implication de ces derniers dans la création de journées de professionnalisation, rencontres avec des écrivains impliqués sur cette question (voir ici) , l’organisation récente d’une journée départementale autour de l’apport des approches culturelles dans la lutte contre l’illettrisme et pour l’accès à la langue française (voir ici) , participation à des rencontres d’Occitanie Livre et Lecture, création de webinaire sur les ateliers de créativité en FLE  (Webinaire), les occasions sont multiples pour dire l’intérêt de telles approches dans l’accès à la langue et aux savoirs de base. Ainsi ces voies qui nous empruntent…

Stéphen Bertrand pour le CRIA 34

 Avec l’écrivaine Cécile LADJALI lors des JNAI 2022 en partenariat avec la mission maîtrise de la langue et prévention de l’illettrisme du Rectorat et la médiathèque E. Zola de Montpellier

L’approche culturelle dans la formation linguistique

L’approche culturelle dans la formation linguistique est une approche éducative qui reconnaît l’importance de la culture dans l’apprentissage d’une langue étrangère.

Elle vise à intégrer la compréhension de la culture d’une communauté linguistique dans le processus d’apprentissage de la langue, allant au-delà de l’enseignement purement grammatical et linguistique : en apprenant une langue étrangère, il est essentiel de comprendre et d’apprécier la culture associée à cette langue. En effet, la culture influence la façon dont une langue est utilisée, y compris les expressions idiomatiques et les codes sociaux. D’où l’importance, par exemple, de la mise en place d’ateliers sociolinguistiques dans les parcours de formations qui visent à rendre les apprenants autonomes dans les “espaces sociaux”. Cette démarche est préconisée pour des publics qui ne connaissent pas ou peu le fonctionnement de certains espaces sociaux et qui ne maîtrisent pas les actes de langage propre à ces lieux, ce qui peut entraver l’usage et la fréquentation autonome de ces espaces (la poste, le médecin, la pharmacie…).

Lorsqu’on apprend une langue étrangère, on découvre également les coutumes, les traditions, l’histoire et les valeurs du pays où cette langue est parlée. Cela permet de mieux comprendre les personnes qui parlent cette langue et de communiquer de manière plus efficace.

L’apport culturel en formation linguistique peut se faire de différentes manières, comme l’étude de la littérature, la musique, le cinéma, l’art et la gastronomie du pays. Il peut également inclure des discussions sur les différences culturelles, les stéréotypes et les préjugés. Il s’agit d’apprendre l’histoire et les traditions d’un pays pour aider à comprendre la langue et la culture qui en découlent.

L’approche culturelle permet également d’acquérir une vision élargie sur la société et les valeurs du pays:

– Lire des œuvres littéraires et découvrir les arts d’un pays va enrichir l’apprentissage linguistique en permettant à l’apprenant de découvrir différents styles d’écriture, expressions et vocabulaire spécifiques ;
– Participer à des événements culturels permet de se familiariser avec les célébrations et les fêtes d’un pays, de mieux comprendre les coutumes et les traditions associées ;
– Ecouter de la musique et regarder des films dans la langue apprise peut aider à améliorer la compréhension auditive et à se familiariser avec l’accent, le vocabulaire et les expressions courantes;
– Découvrir la cuisine et la gastronomie d’un pays peut être une expérience délicieuse et éducative. Cela permet de découvrir de nouveaux plats, ingrédients et expressions liés à la nourriture.

La contextualisation linguistique permet aux apprenants d’acquérir une maîtrise plus profonde et plus naturelle de la langue, en les préparant à des interactions réelles. Il faut donc garder à l’esprit que l’apport culturel peut varier en fonction de la langue apprise et du pays dont elle est originaire. Il est important d’adapter l’apprentissage en fonction des intérêts et des objectifs spécifiques de l’apprenant.

L’approche culturelle dans la formation linguistique permet aux apprenants de mieux saisir les subtilités de la langue et de développer une perspective plus globale sur le monde qui les entoure. Ils sont encouragés à apprécier la diversité culturelle et linguistique du monde, sont amenés à développer une attitude ouverte et respectueuse envers les différentes cultures et à reconnaître que la langue est profondément liée à l’identité culturelle.

Pour conclure, l’approche culturelle dans la formation linguistique va au-delà de la simple acquisition de compétences linguistiques. Elle vise à former des individus interconnectés et capables de communiquer efficacement dans des contextes culturellement diversifiés.

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